Un accident de travail, ça marque. Parfois physiquement, parfois moralement, souvent les deux. Et même lorsque le médecin annonce la « consolidation » ce moment où l’on pense pouvoir tourner la page il arrive que les douleurs reviennent, que les séquelles s’invitent à nouveau dans le quotidien.
C’est ce qu’on appelle une rechute. Mais savez-vous que cette rechute peut survenir 1 an, 10 ans… voire 20 ans après l’accident initial ?
Et qu’elle peut, dans certains cas, rouvrir tous les droits que vous pensiez derrière vous ? Ce scénario est plus fréquent qu’on ne le croit. Mais il reste semé d’embûches. Voici ce qu’il faut savoir pour s’y retrouver et ne pas se faire balayer par l’administration ou l’incompréhension.
Quand une rechute peut-elle être reconnue ?
La rechute ne se déclare pas n’importe comment, ni n’importe quand. Elle correspond à une aggravation de l’état de santé après qu’un médecin a déclaré que vous étiez « consolidé ».
Il ne s’agit donc pas d’une simple douleur persistante, mais bien de nouveaux symptômes, d’une complication ou d’une aggravation avérée. L’élément essentiel, c’est que cette évolution doit être directement liée à votre accident de travail initial.
Il n’y a aucun délai légal maximum pour déclarer une rechute. Vous pouvez la signaler quelques mois après l’accident, ou plusieurs années plus tard.
Ce qui compte, c’est la preuve médicale. Le médecin doit établir un certificat mentionnant explicitement qu’il s’agit d’une rechute d’un accident déjà consolidé. Ce certificat est ensuite adressé à la CPAM.
La caisse d’assurance maladie dispose alors de 60 jours pour reconnaître ou refuser la rechute. Sans réponse dans ce délai, le silence vaut acceptation. Mais mieux vaut ne pas miser sur la passivité : préparez un dossier solide dès le départ.
Comment contester un refus de rechute ?
Il arrive que la CPAM refuse de reconnaître la rechute. Les raisons ? Un doute sur le lien entre les symptômes actuels et l’accident initial, un délai trop long, ou encore l’idée que ce que vous vivez relève simplement des séquelles naturelles de l’accident.
Dans ces cas-là, vous avez le droit de dire « non »… mais pas n’importe comment.
La première étape consiste à saisir la Commission de Recours Amiable (CRA) de votre CPAM. Vous avez 2 mois à compter de la notification du refus pour le faire.
Dans votre courrier, détaillez les faits, joignez les documents médicaux, et si possible, une contre-expertise.
Si la CRA rejette également votre demande, vous pouvez porter l’affaire devant le pôle social du tribunal judiciaire. Cela peut sembler impressionnant, mais vous pouvez vous faire accompagner d’un avocat ou d’une association spécialisée dans la défense des salariés.
Un exemple ? Patrick, chauffeur-livreur, avait vu sa rechute refusée malgré des douleurs au genou clairement liées à un accident passé.
Grâce à une IRM et un rapport d’un médecin expert, il a obtenu gain de cause après 6 mois de procédure.
Moralité : la ténacité paie, surtout lorsqu’elle s’appuie sur des preuves concrètes.
Est-il possible d’être reconnu en rechute 10 ou 20 ans après ?

C’est l’un des aspects les plus méconnus du droit du travail : il n’existe pas de prescription spécifique pour déclarer une rechute d’accident.
Ce n’est donc pas parce que votre accident a eu lieu il y a 10, 15 ou 20 ans que vous êtes automatiquement hors délai.
La jurisprudence est d’ailleurs claire : une rechute peut être reconnue même après deux décennies, à condition que vous puissiez démontrer médicalement que les symptômes actuels proviennent bien de l’accident initial.
Il faut un faisceau d’indices : imagerie, historique médical, expertises, etc. Et plus le temps passe, plus ce faisceau doit être étoffé.
Imaginez Sophie, caissière, blessée à l’épaule en 2004. En 2024, une tendinopathie réapparaît, rendant certains gestes impossibles.
Grâce à des bilans et un suivi médical constant, elle prouve que cette atteinte est la conséquence directe de son accident passé.
Résultat : la rechute est reconnue. Comme quoi, le temps ne fait pas tout oublier… surtout pas les douleurs.
Comment est calculée l’indemnité journalière en cas de rechute ?
Bonne nouvelle : en cas de rechute reconnue, vous avez droit à une indemnisation dès le premier jour d’arrêt, sans délai de carence. Le calcul des indemnités journalières suit des règles précises :
- Pendant les 28 premiers jours : vous percevez 60 % de votre salaire journalier de base.
- À partir du 29ᵉ jour : ce taux passe à 80 %.
Le salaire de référence est celui du mois précédant la rechute, ou celui utilisé lors de l’arrêt initial si vous êtes inactif.
Une règle importante : le montant ne peut jamais être inférieur à celui versé lors du premier arrêt.
Un exemple ? Si vous gagniez 2 400 € brut par mois, votre salaire journalier de base est d’environ 79 €. Pendant les 28 premiers jours, vous toucherez environ 47,40 €/jour. Puis 63,20 €/jour au-delà. Ces montants sont soumis à CSG/CRDS, mais ne sont imposables qu’à hauteur de 50 %.
Attention : si vous percevez une rente d’incapacité permanente, elle peut venir en déduction partielle des indemnités. Et si vous cumulez avec d’autres droits (ex : chômage), des ajustements sont possibles.
Que se passe-t-il si vous êtes sans emploi au moment de la rechute ?

Beaucoup pensent que l’accident du travail est lié à la présence d’un contrat. Pourtant, même sans emploi au moment de la rechute, vous pouvez être indemnisé. Il suffit que l’accident initial ait bien été reconnu et que vous apportiez la preuve médicale de l’aggravation.
Dans ce cas, la CPAM calcule vos droits sur la base de vos anciens salaires. Il est donc crucial de conserver toutes vos fiches de paie ou attestations de l’époque.
Ce système permet notamment aux personnes en reconversion, au chômage ou en arrêt longue durée de ne pas être pénalisées à double peine.
Luc, par exemple, avait quitté son poste après un accident du dos. Trois ans plus tard, en pleine formation, une aggravation survient. Il est mis en arrêt.
La rechute est acceptée, et la CPAM base ses indemnités sur son ancien salaire de salarié, ce qui lui permet de continuer à vivre dignement durant son arrêt.
Quels documents conserver pour faire valoir vos droits ?
Dans ce type de situation, la paperasse devient votre meilleure alliée. Ne perdez rien, conservez tout. Voici une petite checklist utile :
- Certificats médicaux initiaux de l’accident
- Certificat de consolidation avec date
- Compte-rendu médical récent établissant la rechute
- Déclaration d’arrêt de travail lié à la rechute
- Courriers de la CPAM ou de votre employeur
- Bulletins de salaire (actuels ou anciens)
Ces documents seront vos preuves si la CPAM conteste la rechute ou si vous devez aller jusqu’au tribunal. Ce n’est pas de la paranoïa administrative, c’est du bon sens face à une machine parfois lente à se remettre en question.
Conclusion : vigilance, preuves et patience…

La rechute d’un accident du travail est un parcours du combattant, mais un parcours légitime. Ce n’est pas une faveur, c’est un droit. Le plus difficile ?
Se faire entendre, surtout quand les douleurs ressurgissent alors que le monde vous croit guéri depuis longtemps.
Mais désormais, vous savez. Vous savez que les délais ne sont pas un frein, que les refus peuvent se contester, que vous avez droit à une indemnisation même sans emploi.
Vous savez aussi que tout repose sur une chose : la preuve. Médicale, administrative, logique. Sans preuve, pas de reconnaissance. Mais avec elles, vous reprenez le contrôle.
Alors ne baissez pas les bras. Préparez-vous, entourez-vous, défendez ce qui vous revient. Car une rechute ne doit jamais devenir une double peine.
